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petits mémoires littéraires

Lyre sourde ! lyre sourde ! Pas si sourde que cela. Voilà bien ces écrivains de théâtre, qui voudraient résumer et enfermer toute la littérature dans le cercle dramatique, grisés par les applaudissements d’un tas de curieux qu’ils prennent naïvement et orgueilleusement pour des admirateurs ! Se peut-il qu’ils s’abusent à ce point sur la valeur de ces succès faits de bruit et de mode, dont se sont passés si aisément tant de grands esprits, et qu’ils partagent avec tant de petits esprits ?

On voit que tous les dissentiments ne s’en viennent pas expirer sur le seuil de l’Académie, ainsi qu’on se plaît à le répéter, et que cet asile de la paix est quelquefois troublé par des factions intestines.

Les satires de M. Victor de Laprade ont été réunies en un volume intitulé : Poèmes civiques. On a de lui encore la Voix du silence, Harmodius et Pernette.

Pernette est un récit plein de fraîcheur et d’émotion qui fait songer aux poèmes de Frédéric Mistral ; cinq ou six éditions ont attesté le succès de Pernette.

Quant à Harmodius, c’est tout simplement… une tragédie. Elle a été composée aux derniers jours de l’Empire. « La conjuration d’Harmodius et d’Aristogiton — dit M. de Laprade dans sa préface — ouvre cette admirable période du triomphe de la liberté hellénique. La mémoire de ces deux héros resta, comme on sait, vivante jusqu’au dernier jour d’Athènes. On les célébrait comme les fondateurs de la République. La fameuse chanson de Callistrate, consacrée à leur mémoire, était religieusement chantée dans toutes les cérémonies nationales et dans tous les festins. C’était à la fois le Vive Henri IV (oh !) et la Marseillaise d’Athènes. Nous en donnons une traduction libre dans les dernières scènes de ce poème.