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petits mémoires littéraires


« Monsieur,

» Je serais bien confus si je m’étais permis d’adresser — je ne dis pas à un de mes confrères à l’Académie, — mais seulement à l’être collectif qu’attaque ma comédie, la centième partie des injures dont vous m’honorez, sous prétexte que vous êtes un ancien vaincu et ne pouvez pas me répondre.

« Que vous vous soyez exercé à mettre en vers ce thème déjà usé de votre parti, je ne m’en émeus guère ; j’ai sur ma table une pile de journaux remplis de vociférations de ces prétendus muets, et elles n’ont pas réussi à donner le change au public ; la foule compacte qui applaudit tous les soirs ma pièce sait bien que ceux que j’attaque ne sont pas des vaincus.

Que vous me traitiez de chenille… que vous preniez la grossièreté pour de l’énergie, que vous cherchiez dans vos petits poumons le souffle d’un Juvénal, je n’y vois nul inconvénient ; je vous approuve même de renoncer à votre première manière, et je ne suis pas assez votre ami pour vous détourner d’en prendre une seconde. »

Les convenances m’enjoignent d’interrompre cette citation. M. Émile Augier, profondément vexé, porte la discussion sur la destitution de son antagoniste et lui refuse le droit de se délivrer un certificat d’héroïsme.

« Croyez-moi, Monsieur, — lui dit-il en terminant, — soyez simple et doux ; ne cherchez pas noise aux gens dont la situation est plus nette que la vôtre, et revenez modestement à cette lyre sourde qui a si longtemps célébré le panthéisme, monsieur le clérical.

» Veuillez d’ailleurs agréer l’hommage de ma parfaite considération. »