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des filles de cette vallée. Le Premier Consul, tantôt l’écoutant, tantôt questionnant les passants dont la montagne était remplie, parvint à l’hospice, où les bons religieux le reçurent avec empressement. À peine descendu de sa monture, il écrivit un billet qu’il confia à son guide en lui recommandant de le remettre exactement à l’administrateur de l’armée, resté de l’autre côté du Saint-Bernard.

» Le soir, le jeune homme, retourné à Saint-Pierre, apprit avec surprise quel puissant voyageur il avait conduit le matin, et sut que le général Bonaparte lui faisait donner sur-le-champ une maison, les moyens de se marier et enfin de réaliser tous les rêves de sa modeste ambition. Ce montagnard vient de mourir de nos jours, dans son pays, propriétaire du champ que le dominateur du monde lui avait donné. Cet acte singulier de bienfaisance, dans un moment de si grande préoccupation, est digne d’attention. Si ce n’est là qu’un pur caprice de conquérant, jetant au hasard le bien ou le mal, tour à tour renversant des empires ou édifiant une chaumière, de tels caprices sont bons à citer, ne serait-ce que pour tenter les maîtres de la terre ; mais un pareil acte révèle autre chose. L’âme humaine, dans ces moments où elle éprouve des désirs ardents, est portée à la bonté ; elle fait le bien comme une manière de mériter celui qu’elle sollicite de la Providence. »

Il faudrait beaucoup de pages semblables dans l’Histoire du Consulat ; c’est aimable, simple et terminé par une observation vraie.