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doxie fort contestée aujourd’hui ; car, Messieurs, je l’avouerai, la destinée m’a réservé assez d’agitation, assez de combats d’un autre genre, pour ne pas rechercher volontiers de nouveaux adversaires. »

C’était esquiver la difficulté. En ce temps-là, il fallait, avant tout, déclarer si l’on était pour ou contre le romantisme. — Continuant son discours, une fois débarrassé d’Andrieux et des lettres, M. Thiers se plonge dans un bain de politique et se met à célébrer à outrance ce « génie extraordinaire » qui s’appelait Napoléon Ier. J’imagine qu’il y avait là-dessous quelque malice à l’adresse du Château, selon l’expression d’alors. Plus tard, nous le verrons en rabattre sur ce génie extraordinaire.

Par ci par là, un trait heureux et naturel se détache sur la solennité convenue de ce morceau, celui-ci par exemple : « Quand on à été élevé, abaissé par les révolutions, quand on a vu tomber ou s’élever des rois, l’histoire prend une tout autre signification. Oserai-je avouer. Messieurs, un souvenir tout personnel ? Dans cette vie agitée qui nous a été faite à tous depuis quatre ans, j’ai trouvé une seule fois quelques jours de repos dans une retraite profonde. Je me hâtai de saisir Thucydide, Tacite, Guicciardin, et, en relisant ces grands historiens, je fus surpris d’un spectacle tout nouveau : leurs personnages avaient à mes yeux une vie que je ne leur avais jamais connue ; ils marchaient, parlaient, agissaient devant moi ; je croyais les voir vivre sous mes yeux, je croyais les reconnaître, je leur aurais donné des noms contemporains. Leurs actions, obscures auparavant, prenaient un sens clair et profond. C’est que je venais d’assister à une révolution et de traverser les orages des assemblées délibérantes. »