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petits mémoires littéraires

— Dites tout de suite que j’écris comme un chat ! fit madame Drouet.

Et tous deux :

— Allons, rentrez donc… Qu’est-ce que vous comptez faire là sur notre seuil ? Vous êtes encombrant.

— Eh ! mais… j’allais m’en aller.

— Et vous croyez que nous le souffrirons ?… Oh ! piteux, mon cher Monselet, piteux !

— Cependant…

— Vous deviez dîner hier avec nous, vous dînerez avec nous aujourd’hui, dit le maître… par exemple, à vos risques et périls… à la fortune du pot… Ce sera votre punition.

Une fois dans l’intérieur, Victor Hugo, avec une pointe d’inquiétude qu’il cherchait à dissimuler sous un accent narquois, dit à la bonne :

— Voyons, Mary, qu’est-ce que nous avons pour dîner aujourd’hui ?

— Monsieur le sait bien… Je ne comptais sur personne… Nous n’avons qu’une poule au riz.

Le visage de Mary, en proférant ces paroles, reflétait comme une teinte d’humiliation, que je fis cesser aussitôt en m’écriant avec enthousiasme :

— Une poule au riz ?… ce que j’aime le plus au monde !

— Vrai ? dit madame Drouet.

— Parole d’honneur !

— Alors, tout est pour le mieux, fit le bon grand homme ; la cuisinière y ajoutera une omelette aux fines herbes.

— Bravo ! exclamai-je.

— Et nous déboucherons une bouteille de vin du Cap qui nous vient de Schœlcher.