Page:Monselet - Petits mémoires littéraires, 1885.djvu/184

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
176
petits mémoires littéraires

— Monsieur Cabaner, j’espère que vous allez nous faire le plaisir de nous dire quelque chose au piano.

Ainsi s’exprime la gracieuse maîtresse de céans.

Cabaner est déjà troublé.

— Certainement… madame… au piano… quelque chose… Mais je crois avoir oublié mon rouleau.

— Non, monsieur Cabaner, vous l’avez sur les genoux.

— Sur les genoux… ah ! c’est vrai !

Et, tout en se dirigeant vers le piano, il se demande quelle est celle de ses compositions qu’il fera entendre. Il se décide pour le Merle, de M. Jean Richepin, une charmante chanson dont voici le début :

Merle, merle, joyeux merle,
Ton bec jaune est une fleur,
Ton œil blanc est une perle,
Merle, merle, oiseau siffleur !

Cabaner déplie son rouleau, y prend un morceau de musique, le roule en sens contraire, le laisse tomber, le ramasse ; enfin, il l’assujettit sur le pupitre du piano.

Il prélude. Sa bouche s’ouvre :

Merle, merle….

J’ai dit qu’il avait un défaut de prononciation. Il faut croire que ce défaut était plus accentué ce jour-là que les autres jours, car la maîtresse de maison ne le laissa pas continuer. Accourant à lui, elle lui ferma presque le piano sur les doigts, en lui disant :

— C’est bien, monsieur Cabaner, nous vous faisons grâce du reste… Nous savons que vous êtes un agréable plaisant