fait pratiquer une vingtaine de poches à son paletot, dans lesquelles il portait la presque totalité de ses œuvres. De plus, il se promenait toujours avec un énorme rouleau de papier à la main. — Il ne mettait pas en musique ses œuvres seulement, mais aussi celles de ses camarades : Charles Cros, Jean Richepin, Maurice Bouchor, etc. etc.
Dernièrement, ayant hérité de quelques milliers de francs, M. Cabaner les consacra à l’achat d’un piano-tonnerre, qui imitait le vent, la pluie, la tempête, — et d’un harmonium-orchestre muni de trompettes et de tambours. Ainsi, le plus doux des hommes se métamorphosait parfois en dieu Thor des Scandinaves.
Distrait, il l’était à tous les degrés. Un matin, il entre dans un restaurant et demande à déjeuner.
— Donnez-moi une côtelette, dit-il au garçon.
— Côtelette… de quoi ? interroge celui-ci.
Cabaner demeure bouche béante. C’est vrai, il y a plusieurs espèces de côtelettes ; il n’avait pas songé à cela.
Le garçon vient à son aide.
— Voulez-vous une côtelette de mouton ?
— De mouton… oui, de mouton… répond Cabaner ; ah ! non, cependant… non !
— De porc ?
— Vous dites : de porc ?… de cochon… ma foi, oui… une côtelette de porc !
Le garçon était déjà loin que Cabaner le rappelle.
— Non… pas de côtelette de porc… donnez-m’en une de bœuf.
Je n’avais d’abord d’autre intention que de raconter une aventure arrivée à M. Cabaner dans un salon littéraire. J’y arrive.