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petits mémoires littéraires

écurée dans une cuisine flamande. Considère cet ouvrage au point de vue gastronomique ; l’absence de nourriture y est déplorée amèrement, mais quand la bonne chance ramène les mets succulents et les bons vins, ils sont célébrés avec non moins de soin que les charmes de l’héroïne. Protège ces goinfres, ces ivrognes et ces canailles variées ; saupoudre-les de quelques mots spirituels, en guise de muscade râpée. À propos de muscade, si on en mettait partout au temps de Boileau, on n’en met plus nulle part aujourd’hui ; le monde dégénère.

» Adieu, soigne ton bedon, et ne t’efforce pas de le contenir au majestueux, comme cet imbécile de Brillat-Savarin.

» Tuus
» Théophile Gautier. »

La dernière fois que je me suis trouvé avec Balzac, c’était en 1848, dans les bureaux de l’Évènement, à la rédaction duquel j’appartenais.

L’Évènement venait d’être fondé sous le patronage de Victor Hugo. C’était un recueil vaillant et hardi, où avaient été conviés tous les écrivains qui étaient un nom, un talent, ou même simplement un espoir.

Léon Gozlan, Méry, Théophile Gautier coudoyaient Henry Murger, Champfleury, Théodore de Banville. Il se faisait là un joyeux tapage, un cordial échange d’idées, d’aspirations, de jugements, de traits spirituels. Anténor Joly et Polydore Millaud allaient et venaient dans la maison, toujours affairés, ou faisant semblant de l’être ; le premier s’occupant de la partie littéraire, dénichant des romans, harcelant les auteurs, dressant