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phique, venait d’arriver avec son second fils. Elle se précipita vers le moribond ; il ne parlait plus, mais ses pressions de main témnoignaient qu’il entendait et comprenait tout.

Le mal montait, emplissant la gorge, empêchant la respiration, assiégeant le cerveau. Aux premières manifestations du râle. Me Lachaud dit à madame de Villemessant : « Madame, prenez mon bras, et montez dans votre appartement. »

Madame de Villemessant obéit machinalement.

À partir de ce moment, l’ordre fut donné de fermer la grille de la villa Beaumarchais et de ne laisser entrer personne.

Néanmoins, le bruit de la mort de M. de Villemessant se répandit promptement au dehors. À onze heures ce n’était plus un mystère. Pourtant, les domestiques, obéissant à leur consigne, répondirent aux quelques personnes qui vinrent s’informer — à travers la grille, — que M. de Villemessant n’était pas mort. Le petit cocher insista surtout sur ce mensonge. Plusieurs amis du défunt furent de la sorte éconduits. Pourquoi ? Dans quel but retarder de quelques heures la connaissance de cet événement ? Pour éviter les indiscrets, répondra-t-on. Les indiscrets ne sont pas aussi nombreux que cela, à onze heures du soir, auprès d’un cadavre…

On m’a dit, et cela me semble plus admissible, que les représentants de M. de Villemessant voulaient empêcher qu’on télégraphiât à Paris avant eux — ou en même temps qu’eux. (Le bureau télégraphique reste ouvert à Monaco jusqu’à minuit.) La nouvelle de la mort de M. de Villemessant aurait pu facilement, en effet, être connue à Paris douze heures plus tôt ; en la