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petits mémoires littéraires

Il trouva pour m’accueillir le ton de plaisanterie qui lui était accoutumé :

— Est-ce que vous venez pour m’administrer ? me demanda-t-il en me tendant la main.

— Toujours le même ! répondis-je en souriant ; allons, je vois que ce n’est rien.

— On vous avait donc dit que c’était quelque chose ?

— Non ; on m"a dit que vous gardiez la chambre, voilà tout. Qu’est-ce que vous avez ?

— Un eczéma.

— Je connais ça… des bonbons à liqueur, selon l’expression de Zola.

Cela le fit rire ; il ne demandait qu’à rire, même de son mal, surtout de son mal.

— Où avez-vous cet eczéma ? continuai-je.

— Au ventre.

— C’est discret, au moins.

— Discret, soit… mais c’est joliment embêtant !

— Bah ! qui est-ce qui n’a pas eu son eczéma ?… Va qu’est-ce qu’on vous ordonne ?… des cataplasmes… de la poudre d’amidon ?

— Je ne sais pas… quelque chose comme cela.

— Vous n’en êtes pas encore à l’arsenic ?

— J’espère bien ne pas y arriver.

Il changea lui-même de conversation.

Au bout d’un quart d’heure, je me levai et pris congé de lui.

M. Bourdin fils m’accompagna jusqu’à la grille.

J’ai su depuis, par M. Riou, qu’après mon départ, madame de Villemessant était entrée dans la chambre de son mari.

— Vous avez reçu une visite ? lui avait-elle dit.

— Oui, c’est ce brave Monselet…