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capitaine de mobiles, lors de la révolution de 1848. Cette crise passée, il s’essaya obscurément dans le journalisme, jusqu’au moment où, cédant à sa véritable vocation, il se décida à se produire en public sous la double qualité de faiseur de tours de cartes et de professeur de mnémotechnie.

Son succès fut très grand. De l’aveu de tout le monde, il était supérieur dans ses exercices. Encouragé, il visita l’Allemagne, la Russie, l’Angleterre. Il gagna beaucoup d’argent, ce qui lui faisait écrire plus tard :

« Je n’ai pas à me plaindre de mes contemporains ; pendant quinze ans, ma mémoire et mon intelligence m’ont rapporté quelque chose comme un joli million, que j"ai eu, selon le point de vue où l’on se place, la folie ou le bon esprit de semer par les villes et les chemins, ce qui fait que je me trouve aujourd’hui juste aussi riche qu’en 1855, alors que je donnais ma première conférence historique à l’hôtel d’Osmont. »

Alfred de Gaston s’exprimait ainsi à Constantinople, où il séjourna pendant plusieurs années et où, patronné plus ou moins officiellement par le général Ignatieff, il parvint à fonder une revue politique et littéraire. Pour lui, c’était le comble de tous ses vœux, car il détestait son métier d’amuseur, il en rougissait, il ne l’exerçait qu’à la dernière extrémité et sous la pression de la nécessité.

Une autre de ses manies était de faire des vers à tout propos et de les déclamer hors de propos. Méry, qui se plaisait à tous les tours d’esprit et d’adresse, l’avait connu à Bade et lui avait adressé une épître luxueusement rimée, selon son habitude. Ce fut cette épître qui perdit le vicomte de Gaston, en lui donnant