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petits mémoires littéraires

» L’énergie ressuscitée de quelques-unes de ces figures ressortait vigoureusement sous leur costume théâtral. Pourtant la majorité de ces bonnes gens se composait de boutiquiers, de petits commerçants et de bureaucrates ; mais tel qui eût été ridicule avec l’habit ou la redingote, devenait presque majestueux sous le plastron des chasseurs de la garde. Quelques-uns d’entre eux se faisaient remarquer par leur stature colossale, tandis que d’autres, au contraire, laissaient deviner une maigreur extrême sous l’ampleur flottante de leur costume et sous les plis de leurs guêtres. Vers midi, cette vision empanachée s’ébranla, et un lancier octogénaire déploya un drapeau sur lequel était écrit : Les Vieux de la Vieille à la République française ! etc. etc. »

L’article avait une centaine de lignes sur le même ton. (Presse du 6 mai 1848.)

À quelque temps de là, je rencontrai Théophile Gautier.

— Tu as fait, l’autre jour, un joH article, me dit-il.

— Comment le sais-tu ? il n’était pas signé.

Gautier haussa légèrement les épaules et passa.

Pour moi, j’étais rayonnant. Un tel suffrage avait à mes yeux une valeur si considérable !

Je me trouvai encore plusieurs fois avec Théophile Gautier, et chaque fois il revint avec complaisance sur mon article.

Décidément, cet article lui trottait en tête.

Bientôt l’idée que je n’avais fait qu’indiquer s’empara de lui tyranniquement ; il la mûrit, — et il la développa dans une trentaine de strophes, qui sont autant de merveilles de pittoresque et de sentiment. Tout le monde les connaît, ces Vieux de la Vieille, qui, publiés