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petits mémoires littéraires

M. Blanc, de goûts très modestes pour lui-même, a toujours vécu en famille. À peine, pendant ses séjours à Paris, mettait-il le pied au cercle une fois par semaine. Il acceptait très peu d’invitations, autant dire pas du tout, — se retranchant dans son état maladif. Sa table, servie tous les jours avec abondance et recherche, était son unique apparat ; il était loin cependant d’être un mangeur, mais il l’avait été et il aimait à s’en souvenir. Il lui arrivait, encore de sourire à un verre de bon vin de Château-Laffite.

Sa conversation roulait presque toujours sur les opérations financières, à propos desquelles il n’était pas rare de l’entendre s’animer et s’échauffer. Mais, entre temps, et selon les convives, la plaisanterie ne lui déplaisait pas ; il la pratiquait lui-même et la faisait assez mordante.

Nul ne savait mieux écouter ; il n’était pas de ceux qui croient tout savoir parce qu’ils savent beaucoup. Il espérait encore beaucoup apprendre.

Après le dîner, qu’il faisait suivre d’un cigare, il passait dans la salle de billard pour y jouer une partie. Le billard était le seul jeu qu’il affectionnât, — car il est bon de noter que cet homme, qui a fait tant jouer les autres, avait l’effroi de la roulette et le dédain du trente-et-quarante.

D’une nature plus active et plus alerte que ne l’aurait fait supposer son allure, M. Blanc aimait à changer de place. En une seule année, on le voyait habiter Paris, Avignon, Monaco, Dieppe et Louèche-les-Bains, en Suisse. C’est dans cette dernière localité, où il allait régulièrement faire une saison tous les ans, qu’il a succombé à un asthme rapidement développé.

Il a beaucoup souffert dans ces temps-ci, et natu-