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petits mémoires littéraires

tasques, de caprices nerveux. Nous en eûmes la preuve ce jour-là. Entendant sonnerminuit, il se leva comme sous la pression d’un ressort.

— Ah ! mon Dieu ! s’écria-t-il.

— Qu’est-ce qu’il va ? demandâmes-nous.

— J’ai oublié d’aller porter une lettre dont P… m’a chargé pour ses vieux parents.

— Eh bien ! tu iras la porter demain, dit Delannoy.

— Non, non, continua Gil-Pérès ; des vieux parents… de bons vieux parents… c’est sacré… Tu ne comprends pas cela, toi… Qu’on m’envoie chercher une voiture !

— Où demeurent ces vieux parents ? demanda Courdier.

— Rue du Palais-Gallien.

— Dans des ruines, grommela Delannoy.

— J’irais dans l’enfer pour remplir un devoir aussi pieux, ajouta Gil-Pérès… Avec quelle anxiété ces bons vieillards doivent attendre des nouvelles de leur enfant !

— Ces bons vieillards sont couchés depuis longtemps, dit Delannoy.

— Ils se relèveront pour me bénir !

Le voyant décidé :

— Je vais vous donner un de mes garçons pour vous accompagner, monsieur Gil-Pérès, lui dit Saint-Léger.

— Je n’ai besoin de personne, répondit-il avec un de ces gestes qui n’admettent pas de réplique.

Et Gil-Pérès disparut dans l’ombre.

 

J’appris, quelques jours après, par Saint-Léger, comment tout s’était passé. Après un premier moment d’étonnement, les bons vieillards avaient affectueusement accueilli Gil-Pérès. On avait rallumé pour lui la