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petits mémoires littéraires

Inutile de dire quel fut le geste significatif et piteux de Lavarde.

Une des prétentions de Darcier, sa principale assurément, était sa prétention très justifiée à la force musculaire. Il a toujours vécu environné d’haltères, de boulets. Sa physionomie se déridait à la fréquentation des fameux lutteurs Rossignol-Rollin, Faouet et moussu Creste. Il ne rêvait que coups de poing triomphaux, et il en a asséné quelques-uns qui lui ont inspiré une grande confiance en lui-même.

Un jour, je le rencontre à l’Alcazar de Marseille ; il venait de signer un engagement pour le théâtre d’Oran.

— Hum ! lui dis-je ; Oran, c’est en Afrique… Hum !

— Oui… Eh bien ?

— Eh bien ! en Afrique il y a des lions.

Darcier eut un superbe mouvement d’épaules.

— Si je trouve un lion… je lui casse la gueule !

D’après ce qu’on vient de voir, le verbe de Darcier n’est pas emprunté précisément à l’hôtel de Rambouillet. Les reporters, qui ne reculent devant rien, reculeraient peut-être à intituler un de leurs articles : Darcier dans le monde. C’est un enfant de la nature et du carrefour ; il a, comme Schaunard, une pipe pour aller dans les salons. Quelques-unes de ses répliques sont demeurées célèbres, mais elles sont d’une énergie et d’une fierté qui eussent mieux trouvé leur place sur le champ de bataille de Waterloo que dans le faubourg Saint-Germain.