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petits mémoires littéraires

la guérison de Mimi ; il proposait un voyage en Italie.

Barrière, lui, était pour la mort.

Je fus de l’avis de Barrière.

Le meurtre de Mimi fut décidé. Je n’en ai jamais éprouvé de remords.

Cette journée est restée dans mon souvenir comme une des meilleures de ma jeunesse.

Un ou deux ans plus tard, je dus à mon tour écrire une pièce avec Théodore Barrière.

Je pris plusieurs rendez-vous chez lui.

Mais là, je me heurtai à un obstacle sérieux.

Quand je dis sérieux… vous allez voir.

Barrière vivait en famille, — avec une mère, le modèle de toutes les sollicitudes ; avec un père qui avait été lui-même un auteur dramatique.

Dans cet intérieur patriarcal, il y avait un perroquet nommé Coco, comme tous les perroquets.

Or, pour un nouveau collaborateur introduit chez Barrière, l’important était moins de plaire à son père et d’avoir l’agrément de sa mère — que de gagner les bonnes grâces de Coco.

Coco était un thermomètre dramatique.

On apportait son perchoir dans la salle à manger, pendant le dîner, et on le plaçait auprès du nouveau collaborateur.

Si Coco se familiarisait avec lui, s’il descendait sur son épaule, — le néophyte était admis par Barrière et par ses parents.

Si, au contraire. Coco restait sur son perchoir, sombre, battant des ailes, la crête hérissée et se refusant à toutes les avances, — le néophyte était refusé.