Page:Monselet - Petits mémoires littéraires, 1885.djvu/128

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
120
petits mémoires littéraires

À dix heures et demie, le lendemain matin, par le plus beau temps du monde, Théodore Barrière et moi nous mettions habit bas dans une jolie clairière de Meudon, à deux pas de la maison de campagne de M. Charles Edmond. Des gendarmes survinrent, qui nous enjoignirent d’avoir à cesser toutes hostilités ; ils promettaient de ne pas dresser procès-verbal si, de notre côté, nous nous engagions à ne pas donner suite à nos projets de combat. Nous promîmes tout ce qu’ils voulurent, en les envoyant au diable.

Certains d’être filés, nous revînmes à Paris, où nous primes deux voitures, qui nous transportèrent à Nogent-sur-Marne. Un canot nous aborda à l’île de Beauté, où M. Léon Sari connaissait un terrain tout à fait propice. Toutes ces allées et venues avaient pris pas mal de temps ; mais nous avions l’horreur d’une rentrée ridicule.

Le soleil manifestait déjà l’intention de se coucher ; on tira les places au sort ; je ne fus pas avantagé. Hâtons-nous de dire que je reçus une blessure à la main. Il ne fut pas le moindrement question d’un rapprochement entre Barrière et moi ; chacun de nous avait le dépit d’avoir perdu à si mauvaise et si inutile besogne cette magnifique journée d’été. Après les saluts, on regagna, avec ses témoins, le chemin de fer. Toutefois, tous les deux nous emportions un peu plus d’estime l’un pour l’autre.

La réconciliation, retardée par tous les hasards de la vie parisienne, n’eut lieu que quatre ans après, à Bade ; elle fut sincère et durable.

J’allais oublier de dire que cette aventure eut son dénouement naturel devant la police correctionnelle. Me Desmarest parla pour Barrière ; l’élégant Carraby s’était chargé de ma défense. J’en eus pour deux cents