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c’est-à-diie à bien des portes closes, dans l’Histoire de ma vie. En revanche, des portraits en foule, d’un intérêt relatif, comme ceux de Delatouche et de M. Buloz, par exemple. Quant au roman de sa vie, — ou plutôt aux romans, — adressez-vous ailleurs. Mais ailleurs vous ne trouverez que des volumes entrebâillés, comme Marianna de Jules Sandeau, ou des vers éplorés, comme la Nuit d’octobre d’Alfred de Musset.

J’aime mieux chercher George Sand dans ses Lettres d’un Voyageur, le plus jeune, le plus gai, le plus inattendu, le plus varié, le plus brillant de ses livres, le plus révélateur, et celui qui lui survivra entre tous. Ah ! les livres qu’on écrit en se jouant, presque pour soi, au milieu de ses amis, dans l’âge rayonnant, par les grands soleils et par les belles campagnes, en touchant à tous les sujets, loin des bureaux de revues et d’imprimeries, sans contrôle d’aucune sorte, sous une treille embaumée, ou, la croisée ouverte, dans une chambre d’hôtellerie, au bruit d’une chanson sur l’eau, — comme ces livres-là ont chance de durer !

Telles sont les Lettres d’un Voyageur, où se rencontre, entre autres morceaux admirables, l’éloquent et terrible chapitre sur M. de Talleyrand intitulé : le Prince.

Aux Lettres d’un Voyageur joignez un petit roman : André, qui suffirait à lui seul pour rendre immortel le nom de George Sand.

Je vous défie de lire André sans être remué jusqu’au fond du cœur. C’est un chef-d’œuvre d’honnêteté, de simplicité, de poésie, — et qui n’est dans aucune manière…

Hélas ! je n’ai pas dit la centième partie de ce que je voulais dire sur George Sand. J’ai été à droite, à gauche. J’ai oublié Consuelo, j’ai oublié Mauprat,