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entendu parler de mon livre. Mais ma lettre la frappa par sa sincérité. Le jour même où elle l’avait reçue, comme je parlais de cette lettre à Jules Sandeau, la porte de ma mansarde s’ouvre brusquement, et une femme vient me sauter au cou avec effusion en criant tout essoufflée : Me voilà, moi ! »

Plus tard, ce fut Rouvière qui l’occupa, Rouvière pour qui elle écrivit son joli drame de Maître Favilla. Il était rare que la maison de Nohant, en ses beaux jours, n’abritât pas un ou une artiste quelconque : tantôt Mademoiselle Fernande, qui devait mourir avant l’heure ; tantôt Mademoiselle Thuillier, que la religion devait enlever au théâtre.

Afin de se mettre en garde contre les biographes, qu’elle a toujours vus d’un fort mauvais œil, et aussi peut-être pour suivre l’exemple de son maître Jean-Jacques Rousseau, George Sand a écrit l’Histoire de ma vie, — en dix volumes. C’est un peu plus long que les Confessions, et c’est surtout moins audacieux, cela va sans dire. La vérité y est arrangée et présentée d’une certaine façon, comme dans les Mémoires de Chateaubriand et les Confidences de Lamartine, avec une large part affectée aux paysages. Ces paysages sont traités de main de maître ; — ils ont été étudiés, dans un grand journal, par M. Anatole France, un critique des plus déliés doublé d’un excellent poète.

George Sand est assez prodigue de détails sur son enfance sauvage, — cela est sans conséquence, — sur sa famille, sur ses voisins de campagne. Ce n’est pas là qu’on l’attendait. Mais le lecteur est averti : elle ne dit que ce qu’elle veut dire. Tant pis pour le titre de l’ouvrage ! Aussi se heurte-t-on à bien des déceptions,