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LES RESSUSCITÉS

C’est en 1846, dans les bureaux de l’Artiste, que je connus Gérard de Nerval. Il y avait quelques mois seulement que je venais d’arriver à Paris. Ce nom élégant, ces œuvres délicates, cette folie même dont un feuilleton de Janin m’avait apporté l’écho jusqu’au fond de la province, tout cela m’annonçait quelque jeune cavalier mystérieux et pâle. Il me fallut rabattre un peu de mon idéal, ou du moins le modifier. Gérard de Nerval, modeste jusqu’à l’humilité, vêtu d’une redingote longue et à petits boutons, la vue basse, les cheveux rares, me rappelait assez les professeurs des collèges départementaux. Plus tard seulement je me rendis compte de ce mélange de finesse et de bonté qui était le caractère dominant de sa physionomie, et qui était aussi le caractère de son talent. Jeune homme, il avait été charmant, me dit-on ; ses cheveux blonds bouclaient.

Avec ce respect traditionnel des débutants pour les célébrités et même pour les demi-célébrités, j’étudiai pendant quelque temps Gérard de Nerval sans oser lui adresser la parole. Enfin un jour, sa timidité enhardissant la mienne, — il n’y avait que nous deux