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8 LE MEDOC Ses innombrables ceps qui croissent par milliers, Comme au pays normand font les petits pommiers. L’âge d’or dans son sein a renoué la trame Des anciens jours de paix, de labeur et de foi ; Ses clochers ont des sons qui vont remuer l’âme ; On y croit aux sorciers, on adore le roi. Ce ne sont, au soleil, que joyeuses familles, Jeunes femmes, enfants, brunes et fortes filles Dans les sillons rougis suivant les chariots ; Alertes compagnons aiguillonnant l’allure Des grands bœufs mugissants, qui portent pour parure Des grappes à leur tête en guise de grelots. Ce ne sont tous les jours que danses et délires. Que chansons et refrains s’envolant dans des rires, Un tableau rencontré de Léopold Robert ! C’est le pays fertile. A l’entour le désert. A l’entour, l’étendue immobile et brûlante, La terre qui se tait quand la lumière chante. Le néant qui fait peur à l’âme et peur aux yeux. A l’entour, la misère et sa nudité pâle ; Le hâve paysan, frileux et souffreteux, Hissé sur ses grands bois, avec son chien honteux. Pourchassant en silence un noir troupeau qui râle ; Le pêcheur dont on voit le pied nu s’essayer Sur le sable endormi qui peut se réveiller... Un jour sera, dit-on, où le vieux dieu Neptune Cessera de briser ses leviers souverains Et d’ébrécher son sceptre aux cailloux de la dune. Jadis il a juré, par sa barbe aux longs crins, Qu’il viendrait engloutir le Mcdoc, h la lune. Avec tous ses tritons et ses vassaux marins !