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LINGUET.

VI

La Révolution, pour laquelle Linguet avait travaillé sans le vouloir, par son opposition constante à tous les gouvernements et à tous les hommes, ne trouva d’abord en lui qu’un adepte assez tiède. Peu à peu cependant, il se familiarisa avec les idées nouvelles, et l’homme qui avait écrit cette phrase : « La société vit de la destruction des libertés comme les bêtes carnassières vivent du meurtre des animaux timides. » se fit recevoir au club des Cordeliers, sous le patronage de Camille Desmoulins et de Danton. On fit de lui un secrétaire de la Société des amis de la liberté de la presse.

Pendant quelque temps, il espéra jouer encore un rôle parmi tous ces terribles acteurs ; il se présenta une ou deux fois à la barre de l’Assemblée nationale ; — mais là, comme dans le parlement, sa violence habituelle excita des réclamations unanimes ; le président fut obligé de le faire taire par un ordre du jour.

Brissot a insinué, dans ses Mémoires posthumes, que Linguet avait coopéré au journal l’Ami du peuple, de Marat, mais cela n’est pas prouvé.

Linguet habitait une petite campagne, près du joli village de Ville-d’Avray, lorsqu’il fut arrêté et conduit dans une des nouvelles et nombreuses bastilles de Paris. On se rappelle, dit Des Essarts dans ses Procès fameux, que, depuis la loi du 22 prairial, les fournées se succédèrent avec une rapidité effrayante.