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BACULARD D’ARNAUD.
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donne l’essor à ses talents et s’occupe d’une comédie, le Mauvais Riche ; en même temps il adresse une lettre à Voltaire, qui s’en étonne longuement et ironiquement, de manière à nous faire entendre que d’Arnaud n’était pas coutumier du fait.

« Mon cher enfant en Apollon, vous vous avisez donc enfin d’écrire d’une écriture lisible, sur du papier honnête, de cacheter avec de la cire, et même d’entrer dans quelque détail en écrivant. Il faut qu’il se soit fait en vous une bien belle métamorphose ; mais apparemment votre conversion ne durera pas, et vous allez retomber dans votre péché de paresse. N’y retombez pas au moins quand il s’agira de travailler à votre Mauvais Riche, car j’aime encore mieux votre gloire que vos attentions. J’espère beaucoup de votre plan, et surtout du temps que vous mettez à composer, car depuis trois mois vous ne m’avez pas fait voir un vers : Sat sito si sat bene ; etc., etc.

« Faites-moi le plaisir de me donner souvent de vos nouvelles, si vous pouvez. Je vous embrasse de tout mon cœur. »

Tout cela est d’un homme sincère, après tout. Voltaire a le beau rôle. Il se trompe, par exemple, ou plutôt il se fait illusion sur les aspects plaintifs et vertueux de son protégé. Un matin, le jeune d’Arnaud, l’honnête d’Arnaud se réveille, agité d’une humeur égrillarde ; il jette le masque, et avec la plume de Gentil-Bernard le voilà qui rime effrontément une Épître de Manon. Cette épître, qu’on ne peut citer tout entière, est un des jolis scandales du