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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

Fallait-il aller chercher l’air de l’Amour quêteur pour y accoler ces stupidités affreuses ?

Cela est pour les vers, — voici pour la prose maintenant : « Te souviens-tu, père Marcel (c’est un jardinier qui parle), de c’te dame de Rome, qu’était la femme d’un consul ? C’est comme qui dirait, j’crais, la mairesse de not’ village… alle fit, morgué, d’ses deux enfants, un Pelletier et un Marat ; car y périrent tous deux, comme ces braves représentants que j’pleurons encore tous les jours, pour avoir pris l’z’intérêts du peuple trop à cœur ! »

Non content d’être devenu un pareil sauvage, Plancher-Valcour s’était rebaptisé une seconde fois : il se faisait appeler Aristide Valcour, et il ne jouait qu’avec la cocarde à l’oreille. C’était presque un homme important. Citons encore parmi ses pièces : le Gâteau des Rois, la Discipline républicaine, le Campagnard révolutionnaire et le Tombeau des Imposteurs ou l’Inauguration du Temple de la Vérité. Cette dernière pièce, qui n’a pas été représentée, était destinée à la Comédie française.

Un jour, il se trouva face à face avec le vieux de La Place, qui était devenu centenaire. Le doyen des hommes de lettres ne faisait plus d’épitaphes ; il avait abandonné ce soin au Comité de salut public. La Place ne reconnut pas tout d’abord son ancien voisin dans le citoyen Aristide Valcour. Il se rappelait bien, en effet, un jeune poëte anacréontique qui chantait Églé et les jeux sur la fougère ; mais l’acteur énergumène du théâtre de la Cité lui était entièrement inconnu. Du reste, le pauvre La Place était bien près de sa fin ; telle est la force des habitudes qu’il mourut pour avoir été forcé de quitter un loge-