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GORJY.

nature ne conviennent pas aux estomacs de gens simples comme nous : il n’y a de constamment bon qu’un régime doux pour ceux de notre catégorie. »

Et voilà Champcenetz, Peltier, Bergasse, Mirabeau-Bouteille, Rivarol, jugés sans appel par cette impitoyable madame Jer’nifle !

Cette fois, i’Ann’quin Bredouille est sur le point de se fâcher. Quitter une aussi bonne table et d’aussi gracieux convives, replier sa serviette avant le rôti, dire adieu à ce Champagne, c’est trop fort ! Et puis, cette chasse au dîner commence à l’impatienter ; tous ces aubergistes sont-ils donc des empoisonneurs ? faut-il mourir de faim dans cette grande ville de Néomanie ? Telles sont les réflexions qui l’assiègent et mettent son esprit aux cent coups. i’Ann’quin Bredouille est las, il ne suit madame Jer’nifle qu’en clopinant. Enfin, vers le soir, l’idée leur vint d’aller frapper à une toute petite porte. « Elle nous fut ouverte par une vieille femme qui, sur la demande que nous lui fîmes, se confondit en excuses de n’avoir à notre service que le petit potbouille et la tranche de bœuf à la mode, fait tout uniment, comme elle l’avait appris de sa mère, celle-ci de la sienne, enfin tel que du temps du roi Guillemot. Elle avait tort de s’excuser ; nous fimes à sa modeste table un dîner excellent. Ce ne fut pas sans beaucoup réfléchir. À vous permis, cher lecteur, de réfléchir aussi sur ce chapitre. »