çon, estimé et chéri d’une famille sans préjugés. Cette supposition fait d’ailleurs les frais principaux de la fable de Blançay, et je ne serais pas étonné que, dans ce roman, il entrât beaucoup de l’histoire de Gorjy.
Dans tous les cas, le succès qui l’avait accueilli si inopinément, — succès intime, mais attesté par l’écoulement rapide des volumes, — lui inspira quelque hardiesse ; de 1788 à 1791, il fit paraître plusieurs autres romans du même goût et du même format : Victorine, Saint-Alme, Lidorie[1]. Ce dernier ouvrage est écrit dans le vieux style des chroniques, déjà ressuscité avec bonheur quelques années auparavant par Sauvigny, dans les Amours de Pierre-le-Long et de Blanche Bazu. Tous ces petits livres, empreints d’une douce sentimentalité, qui pleurent d’un œil et qui s’essayent à sourire de l’autre, eurent une vogue, sinon égale à celle de Blançay, du moins fort honorable, et suffisante à placer son auteur au rang des romanciers sensibles.
Les romanciers sensibles constituaient effectivement, au milieu de la littérature d’alors, une sorte de légion à part, qui marchait sans relâche, suivie d’un cortège de sanglots, de mouchoirs, de soupirs étouffés, de regards abattus. À Dieu ne plaise que je veuille me moquer de ces écrivains, rois de l’attendrissement, qui manient à leur gré les âmes palpitantes et commandent despotiquement aux sources lacrymales. Même sous la Révolution, aux époques les plus formidables, ces écrivains ne se laissèrent pas décourager. C’était un véritable parti, qui avait à sa tête le
- ↑ Gorjy avait plusieurs talents. La plupart des vignettes qui ornent ses romans sont signées : Gorjy delineavit.