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LE CHEVALIER DE LA MORLIÈRE.

« Luzéide était coiffée en cheveux, avec des fleurs et des diamants placés artistement dans sa frisure, un soupçon de bonnet, et le chignon relevé, comme on le portait alors. Sa robe était d’une étoile au dernier goût, blanc, gris de lin et or, avec dessins en pagodes et en ligures chinoises, la polonaise et les parements assortis en chenilles et en souci d’hanneton ; un corset garni de pierreries et des manchettes à trois rangs du point d’Angleterre le plus exquis. »

Mes petits-maîtres valent mes petites-maîtresses : ils sont vivants, ils tournent, ils se dandinent, ils secouent la poudre de leurs cheveux, ils regardent l’heure à leurs deux montres, ils jouent avec leurs bagues, leurs lorgnettes et leurs tabatières. Le matin en chenille, c’est-à-dire en redingote ; le soir en veste falbalatée, hissés sur des talons rouges ou promenés dans une dolente ornée de glaces, on les voit tantôt au Palais-Royal, les mardis et les vendredis, tantôt aux boulevards, dans les spectacles, où ils voltigent de loge en loge, font les singes à travers les trous de la toile, tracassent les actrices à leur toilette et traitent les auteurs d’insectes du Parnasse. Au bal, ils s’habillent en chauve-souris, dansent le carillon de Dunkerque et exécutent le pas de Marcel avec une admirable précision. Ah ! les beaux petits pantins que voilà !

Ainsi devraient faire, selon moi, tous les écrivains à qui le ciel n’a pas départi les grands dons de la passion et de la philosophie : penchés sur leur temps et sur leur société, ils en reproduiraient, même dans leurs détails les plus puérils, les usages, les habitudes quotidiennes, les costumes, les locutions, — tout ce que le génie ne peut s’arrêter à indiquer, et tout