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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

écrit pour ainsi dire sous la dictée des deux personnages, devint entre mes mains un document précieux. C’était la vérité sur le fait et l’échantillon le plus complet des dernières façons de parler. Je ne laissai pas échapper une pareille bonne fortune. Par bienséance, je supprimai les noms des interlocuteurs ; je substituai le titre de ma brochure à celle dont il est question ; puis, sans presque rien changer au reste, je fis ma préface de ce petit morceau d’éloquence moderne.

V

AVEZ-VOUS LU BARUCH ?

Avez-vous lu Angola ! C’est un chef-d’œuvre, et c’est mon chef-d’œuvre ; à présent que je suis mort, ma vanité n’offusquera personne. Angola, c’est presque aussi beau que les Précieuses ridicules.

Ce n’est qu’un roman, cependant, et des plus minces : deux parties avec frontispice et vignettes ; — mais dans ce roman est contenu le dix-huitième siècle tout entier, mieux que dans beaucoup d’autres livres portés plus haut par les noms de leurs auteurs. Les amourettes mignardes, les propos satiriques, les parties sur le gazon, l’Opéra, un coin de la cour, tout se retrouve, tout est rendu avec un soin particulier dans cet ouvrage, qui rend inutiles les peintures de Lancret et de Baudouin. On ne trouve pas autre part observée avec plus de coloris, la description d’une petite maison ou d’un jardin à la mode. Mes héroïnes sont ajustées, fardées, chaussées comme par la meilleure faiseuse ; et, pour vous en convaincre, je veux vous en montrer une :