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CUBIÈRES.

quelque galant rondeau, lorsqu’il entendit gronder le canon de la Bastille. Il laissa là son rondeau et commença immédiatement un dithyrambe ; la Liberté prit, au bout de ses alexandrins, la place de Thémire. Après deux jours passés dans un délire métrique, l’idée vint à Dorat-Cubières d’aller visiter cette Bastille, tombée, non pas sous les coups du peuple, mais simplement à la voix du peuple. Il arriva un peu tard, on n’entrait plus sans une permission des électeurs ; heureusement que Dussaulx l’aperçut et le prit sous le bras. « Arrivés dans la troisième cour, raconte Dorat-Cubières, nous rencontrâmes M. le comte de Mirabeau qui conduisait une jolie femme[1] ; apparemment pour lui montrer son ancien logement. Nous vîmes aussi le chevalier de Manville, jeune homme distingué par son courage, et qui, ayant été mis injustement à la Bastille, cinq ans auparavant, n’en était sorti que depuis six mois. Le chevalier de Manville portait à la main, en guise de badine, une grosse barre de fer qui avait appartenu à la fenêtre de son cachot. »

Cubières, comme on le pense bien, s’empressa de composer une relation en prose et en vers du peu qu’il avait vu, — et la signa vaniteusement : « Michel de Cubières, citoyen et soldat. »

La Révolution apporta quelques changements dans son dictionnaire de rimes et de notables modifications dans ses principes. Il dut reléguer au grenier bien des carquois, bien des cœurs, bien des bouquets devenus hors de saison ; il n’était guère Romain, il

  1. Madame Lejay, femme d’un libraire.