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j’en conviens. Mais je ne reconnais pas au monde le droit de venir me dire :

« L’homme que vous aimez est mauvais ; rangez-vous, nous allons le tuer. »

— Aveuglement ! dit Irénée.

— Non, non, répliqua Marianna ; j’y vois bien clair. Suis-je donc la première esclave qui ne veuille pas quitter son maître ? Vous qui avez observé, vous avez dû rencontrer de ces exemples de fascination. Philippe tient ma vie, comme si un pouvoir surnaturel la lui avait livrée ; devant lui, je ne sais que ployer et aimer.

— Mais vos souffrances ?

— Je m’y accoutume et je m’y accoutumerai de plus en plus. J’étais une enfant autrefois ; mes larmes coulaient pour des piqûres d’épingle, je ne pleure plus aujourd’hui…

— Même pour des coups de poignard, ajouta Irénée en secouant la tête.

— Irénée, sacrifiez-moi votre ressentiment contre Philippe ; je vous en prie les mains jointes !

— Cela ne se peut pas, Marianna.

— C’est donc moi que vous voulez frapper à travers lui ! s’écria-t-elle.

— Eh ! qui vous assure que je le tuerai ? qui vous dit que ce n’est pas moi plutôt qui succomberai dans cette lutte ? Espérez, Marianna, ajouta-t-il avec amertume, espérez…

Marianna se révolta sous cette parole injuste. Elle fit un pas comme pour se retire, mais à moitié chemin elle s’arrêta.

— Eh bien, dit-elle, j’endurerai tout ; je subirai vos cruautés jusqu’à la fin. Dieu sait que je vous ai voué tout ce que mon cœur contient d’estime et de reconnaissance. Mais puisque vous pouvez méconnaître de la sorte mes sentiments, eh bien ! je descendrai jusqu’au dernier degré de l’humilité ; je vous priais à mains jointes, je vous supplierai à genoux.

— Oh ! Marianna !

— Il ne faut pas que ce duel ait lieu ; il ne faut pas que l’un de vous soit taché du sang de l’autre. L’insulte que vous avez faite à Philippe ne peut être mortelle. Renoncez à votre projet funeste.

— C’est trop tard à présent.