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— Le serment sur l’Évangile, répondit Marianna sans quitter Amélie des yeux.

— L’Évangile ! murmura celle-ci avec terreur.

— Que l’Évangile soit apporté, selon le vœu exprimé par notre sœur conductrice, dit la grande-maîtresse en s’adressant aux officières.

L’intervalle qui s’écoula entre l’aller et le retour fut rempli par une agitation inaccoutumée. On blâmait généralement la conduite de Marianna ; on connaissait sa haine pour Philippe Beyle, et l’on s’affligeait de la voir reporter cette haine jusque sur une personne affiliée et touchant de si près à la grande-maîtresse. De son côté, la grande-maîtresse n’avait que des inquiétudes vagues ; elle ignorait complètement et ne soupçonnait même pas la faute d’Amélie ; elle mettait ses hésitations sur le compte de son âge, de sa timidité ; et elle ne voyait dans la proposition de Marianna qu’une manifestation dernière d’une vengeance à bout de ressources.

Le livre saint fut apporté et placé ouvert sur l’autel. Cette épreuve devait être décisive, au point de vue de Marianna. Fille pieuse, épouse chrétienne, Amélie allait-elle profaner le monument de sa foi ? Ses lèvres craintives et pures oseraient-elles s’ouvrir pour proférer un mensonge sacrilège ? Cette même pensée possédait et étreignait le cœur d’Amélie. Ce fut à peine si elle entendit la voix de la grande-maîtresse, qui lui ordonnait d’étendre la main.

— Jurez-vous sur les saints Évangiles d’obéir aux lois de la Franc-maçonnerie ?

— Je le jure, répondit-elle d’une voix faible.

— Jurez-vous de ne jamais trahir ses doctrines, de ne jamais révéler ses mystères ?

Une nuée passa devant les yeux d’Amélie ; une vision lui montra Philippe persécuté, poursuivi, et l’accusant à son tour.

— Je le jure, dit-elle.

Marianna retint un cri de rage, et, laissant tomber sa tête sur sa poitrine, elle murmura :