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— Louise, pitié ! cria le peintre.

— Non ! je me venge !

— Grâce pour celui-là ! là-bas ! Oh ! grâce !

— Pas plus celui-là que les autres.

Et elle attisa l’incendie.

— Eh bien ! tue-moi tout de suite, je t’en conjure.

— Insensé !

— Je ne puis supporter plus longtemps ce supplice ; laisse-moi partir ; je ne veux pas voir !

— C’est trop lent, n’est-ce pas ? cela brûle mal ; tu as raison.

La comtesse Darcet prit quelques toiles et les jeta dans la cheminée, où flambait un grand feu.

— Ah ! hurla Levasseur en fermant les yeux.

— René, dit-elle lentement, j’ai souffert plus que toi et plus longtemps, car je n’ai jamais oublié. Mes supplications d’autrefois ne t’ont pas touché, tes cris d’aujourd’hui ne m’attendriront pas. Torture pour torture. Pendant bien des années, je t’ai laissé à tes illusions, j’ai été bonne, tu vois ; rien ne t’a empêché de rêver avenir, postérité. Moi, je n’ai jamais eu de bonheurs semblables. Mon premier amour une fois anéanti, je n’en ai pas eu d’autre, et je suis descendue dans ma douleur comme dans une fosse, pour n’en plus sortir. C’est bien peu de chose, ma vengeance, va ! Je ne prends qu’un de tes jours pour me payer de ma vie entière.

Le peintre n’entendait plus. Elle continua à jeter les tableaux au feu. Quand ce fut le tour du dernier, elle se retourna : René s’était évanoui et avait roulé par terre… On le rapporta chez lui. René Levasseur habite à présent une maison de santé ; il y mourra fou.