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cour, et, deux minutes après, Amélie se trouvait en face de Philippe. Elle se présenta à lui avec ce luxe de prévenances et de caresses qu’une femme ne manque jamais de déployer au retour de toute excursion un peu suspecte. Mais ces démonstrations s’en vinrent échouer contre la froideur de Philippe. D’un geste il la repoussa doucement, et il lui dit d’une voix qu’il s’efforça d’affermir :

— D’où venez-vous, Amélie ?

Cette demande était bien simple, bien naturelle, et néanmoins Amélie se sentit perdue. Elle regarda Philippe avec terreur. Celui-ci répéta sa question.

— Mon ami, balbutia-t-elle, je viens de chez…

— Ne mentez pas, dit-il froidement.

— Philippe !

— Vous venez du boulevard des Invalides.

Amélie tomba sur un divan.

— J’en viens aussi, moi, ajouta-t-il.

— Vous m’avez suivie ? murmura-t-elle.

— J’ai eu ce mauvais goût.

Elle baissa la tête et sembla attendre son arrêt. Philippe reprit le premier :

— Dites-moi le motif de ce voyage à l’extrémité de Paris, Amélie ?

— Hélas ! c’est un secret qui ne m’appartient pas.

— Vous avez eu tort de vous créer une obligation en dehors de vos devoirs d’épouse ; mais le mari peut délier les serments de la femme. Parlez, je vous y autorise.

Elle se tut.

— Vous venez d’un endroit où votre présence était au moins étrange, parmi des femmes dont le nom seul est une flétrissure, et à côté desquelles vous n’eussiez jamais dû vous rencontrer. Cette fois, vous ne trouverez pas déraisonnable, comme l’autre jour, que je vous interroge. J’ai bien pesé ma situation : elle me fait un devoir de vous demander la vérité.