la nuit venue, il y fait noir comme dans un four, et je ne sais où se réfugient alors toutes les lumières.
— Au centre de la place, sans doute.
— Je le suppose. Mais je serais resté dix ans à ma fenêtre de la rue de Monsieur que je n’en aurais pas surpris davantage.
— Vous redescendîtes ?
— Je redescendis, décidé à pénétrer dans cet archipel de pierre de taille et de feuillage.
— C’est là que je vous attends.
Ceux de nos lecteurs qui seraient tentés de s’étonner d’un entretien aussi librement poursuivi en plein air, nous les inviterons à se rendre en personne, à neuf heures du soir, sur le boulevard des Invalides ; ils y acquerront la conviction qu’il n’est guère d’endroit où l’on soit plus à l’aise pour causer de ses affaires, et même des affaires publiques. Nous prierons en outre ces mêmes lecteurs de vouloir bien considérer que ce dialogue avait lieu il y a quinze ans, et qu’il y a quinze ans le boulevard des Invalides était encore moins fréquenté que de nos jours, ce qui le rendait tout à fait propre aux scènes du genre de celle dont nous nous sommes fait l’historien.
Fier d’exciter à un si haut point l’intérêt de son auditeur, M. Blanchard s’arrêta, se caressa le menton et parut hésiter.
— Voyons ! dit Philippe, dont le système nerveux était développé outre mesure.
— À ma place, comment auriez-vous procédé ? demanda M. Blanchard.
— De grâce…
— Non ; je suis curieux de connaître quelle eût été votre conduite.
— Je n’en sais rien.
— Convenez qu’il fallait déployer une imagination à la Mascarille, une souplesse à la Sbrigani ; qu’il fallait fourber comme un valet de l’ancien répertoire, avoir l’œil au guet, l’oreille au vent, le pied alerte et la bourse d’Almaviva dans la main de Figaro !
— D’accord.