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perpétuelle petite guerre d’épigrammes et d’allusions. Jamais de blessures, mais des égratignures toujours.

A ce jeu, bien qu’elle ne fût pas précisément la plus forte, Mme d’Ingrande était cependant la première à allonger un bout de griffe. Elle choisissait de préférence, pour ses attaques, les instants où Amélie était présente, parce que, dans ce cas, la marquise de Pressigny se contentait de baisser pacifiquement la tête ou d’appeler à son aude un de ces sourires qui font pressentir la repartie en arrêt au coin des lèvres.

Cette fois, à l’approbation que lui demandait Mme d’Ingrande, ma marquise répondit simplement :

— Vous avez toujours raison, madame.

Mais son regard, qui s’arrêta avec bienveillance sur Amélie, protestait en même temps contre cet acquiescement banal. Mme d’Ingrande surprit ce regard et murmura :

— Et vous, vous avez bien tort de gâter de la sorte Amélie.

— Que voulez-vous ? dit Mme de Pressigny d’un ton enjoué, chacune de nous l’aime à sa façon : vous êtes sa mère, et vous la grondez ; moi, je suis sa tante et je la console. Nous remplissons l’une et l’autre notre devoir.

— En d’autres termes, reprit Mme d’Ingrande, vous détruisez l’effet de mes remontrances, pour y substituer je ne sais quelles théories empruntées à des mœurs frivoles dont, par bonheur, il ne reste plus de traces maintenant.

— Oh ! des théories !… Parce que j’aime à voir en elle les grâces de son âge, parce que je souris à ses ardeurs d’enfant ! Voilà de bien grands mots pour peu de choses, et ne croirait-on pas que je cache au fond de ma boîte à ouvrage tout un arsenal de philosophie !

Mme d’Ingrande allait répliquer ; mais la femme de chambre qui rentrait suspendit la discussion.

— Ah ! c’est vous, Thérèse, vous avez fait ce que je vous ai ordonné ?

— Oui, madame.

— Vous avez remis vingt francs à cet homme ?

— Oui, madame.

— Eh bien, qu’a-t-il dit ?