Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/280

Cette page n’a pas encore été corrigée

mise. Cette lettre, plus importante que les autres, développait, avec un cynisme souriant et pailleté, une grande partie de son système ; elle avait quatre ans de date et paraissait adressée à la même cantatrice de tout à l’heure ; du moins Amélie le supposait ainsi, car la suscription avait été enlevée.

« Encore des reproches ! y disait-il ; ma chère amie, vous devenez vraiment monocorde. Raisonnons un peu. Deux amants étant donnés, il faut toujours que, tôt ou tard, il y en ait un qui quitte l’autre le premier. Vous ne sortiez pas de là. Le premier a été moi ; c’est fâcheux pour votre amour-propre, mais pour votre amour-propre seulement. Que vous souffriez, je le comprends ; c’est involontaire et cela passera ; mais que vous ayez raison de souffrir, voilà ce que je nie. Vous me rappelez les heures enchantées que nous avons passées ensemble, je m’en souviens autant que vous, chère… (ici un nom gratté), car je collectionne les heureux souvenirs, comme d’autres collectionnent les livres et les papillons. Pourquoi partir de là pour m’accuser d’égoïsme et d’ingratitude ? voilà qui est mal et qui n’est pas juste. Vous énumérez, avec une complaisance qui s’éloigne peut-être de la modestie, les circonstances où se sont manifestés votre dévouement, votre abnégation, votre noblesse d’âme, enfin une liste de vertus dont je m’étais toujours douté. Puis, suivant dans les airs mon amour envolé, vous concluez à l’ingratitude. Voyons ! voyons ! je ne consens pas, sans une discussion préalable, à me reconnaître pour un monstre. Causons donc et surtout ne m’interrompez pas.

« Vous êtes née bonne, dévouée, compatissante. En m’aimant, vous n’avez fait qu’employer ces instincts, qu’obéir à votre vocation. Et vous voulez que je sache gré du bonheur que vous avez éprouvé dans l’exercice de vos qualités ! c’est de l’exigence, mon amie ; je veux vous forcer plus tard à en convenir.

« Pourtant, aujourd’hui, je vous concède encore ce point. Soit ; je vous suis reconnaissant, très reconnaissant, du plaisir que vous a procuré notre liaison. Mais je ne conçois pas, je l’avoue, que vous me menaciez de votre haine. Votre haine ?