— Deux mille francs, recommença Fanny.
— Es-tu folle ?
— Non, mais j’ai parcouru le Code pénal ce matin, avant de venir.
— Le Code ! quel rapport… ?
— Vous allez voir. Connaissez-vous l’article 385 ?
— Non, parbleu ! s’écria le comte.
— Eh bien, l’article 385 dit positivement que toute personne coupable de vol, avec bris de meuble, encourt la peine des travaux forcés.
— C’est grave, en effet… deux mille francs, peu m’importerai après tout ; je les ai souvent donnés aux pauvres… Mais je t’ai fait commettre une mauvaise action ; voilà ce dont j’ai le regret. Et puis… une douleur à ajouter à toutes mes douleurs ! une lumière cruelle sans doute ! Non, tout bien considéré, vois-tu, je ne veux rien apprendre ; laisse-moi tranquille.
— C’est votre dernier mot.
— Mon dernier.
— Il suffit, monsieur le comte, je remporte la lettre.
— C’est cela, tu fais bien.
— D’ailleurs, je ne suis pas embarrassée pour la vendre à d’autres.
— À d’autres ! reprit-il vivement et sur le ton de l’indignation ; comment, tu oserais… ?
— Puisque j’ai bien osé la soustraire ! Il faut au moins que j’aie le bénéfice de ma mauvaise action.
— Tu es une effrontée coquine !
— Parce que mes prix sont élevés, n’est-ce pas ? dit-elle en reculant du côté de la porte.
— Et… balbutia le comte, étendant vers elle les mains comme pour la retenir, à qui comptes-tu proposer un marché semblable ?
— À qui ? à une personne qui a le privilège de beaucoup intéresser madame.
— Mais encore ?… demanda-t-il en pâlissant.
La petite bonne se rapprocha de lui, et, d’une voix que la malice rendait stridente :
— Par exemple, à M. Philippe Beyle.