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voilà une demi-heure que je suis au supplice en vous écoutant. Pour qui me connaît, c’est une des plus grandes contraintes que je me sois jamais imposée. Non pas que je ne rende hommage à votre enjouement et à votre esprit : l’un et l’autre sont forts brillants sans doute ; mais c’est que vos théories me paraissent d’autant plus fragiles et votre profession de foi d’autant plus hasardée que je savais n’avoir qu’un mot à dire, qu’un ressort à toucher, pour vous établir immédiatement en flagrante contradiction avec vous-même.

— Expliquez-vous plus clairement, monsieur, dit Philippe inquiet ; jusqu’à présent vous n’avez parlé que par des énigmes.

— Soit, dit M. Blanchard ; je vais me faire entendre. Il y a à côté, dans ces salons, une jeune femme, belle et intelligente, que nous venons tous de voir et d’applaudir : c’est la Marianna.

Philippe frémit.

— Vous oubliez… murmurait-il.

— Je n’oublie rien. La Marianna (je la nomme par son nom d’artiste honorée et glorieuse), vous est attachée, dit-on par des liens que vous envient beaucoup d’hommes, mais qui, d’après vos principes, sont pour vous sans doute bien légers et surtout bien fragiles. Tranchons le mot, la Marianna est votre maîtresse.

— Monsieur !

— C’est de notoriété, ici comme partout.

— Assez, monsieur ! dit Philippe avec impétuosité ; il est des sujets de conversation dont la seule convenance doit interdire le choix.

— J’ai touché le ressort, se contenta de dire M. Blanchard froidement.

Philippe se contint ; il était appuyé contre une table, il se dérangea et alla s’adosser à la cheminée, pour obéir à ce besoin de mouvement qu’imprime un sentiment de colère contenu.

Il se trouvait alors tout à fait en face de M. Blanchard.

— Où voulez-vous en venir, monsieur ? lui demanda-t-il.

— À une proposition.

— Voyons, je vous écoute.