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SA VIE, SON ŒUVRE


vieux rimeur qui écrit ces lignes, ni de Charles Monselet, qui dissimulait derrière un grand fauteuil Louis XIV sa taille écourtée, sa tête blonde et sa muse juvénile.

» Dans des réunions de ce genre, ou est à la fois auditeur et acteur. — Il faut y aller de sa personne. — C’est ce qui eut lieu, ce soir-là, pour la majorité d’entre nous.

» D’abord, ce fut Lorrando, le doyen de la phalange poétique de l’époque dans notre ville ; — ensuite, le marquis Imbert de Bourdillou, puis Joseph Rodrigues…

» Enfin, Gergerès, Saint-Rieul, Bénigne Huyet, Justin Dupuy, Hector Messier exhibèrent, tour à tour, de leur bagage littéraire, les uns de la prose sérieuse, les autres des vers légers. — Gout-Desmartres, les yeux au plafond, les mains jointes sur la poitrine, déclama le Prêtre, sa pièce favorite. — Moi-même, mis sur la sellette, il fallut bien in’exécuter.

» Et Charles Monselet ?…

» Jusque-là, il était resté tapi derrière le fauteuil monumental, se bornant à faire honneur aux gâteaux et aux verres de punch qu’on lui offrait, et, malgré cela, n’ayant pas l’air de se récréer beaucoup.

» Cependant l’amphitryon avait l’œil sur lui. Le malin, il savait ce que valait ce petit bonhomme en habit bleu barbeau à boutons d’or ; il l’avait réservé pour le bouquet de la soirée ; et, certes, il avait eu bien raison.

» Monselet, sur un signe que lui fit Gout-Desmartres, vint s’asseoir à une table placée au centre du salon, et là, avec une assurance parfaite, il tira tout simplement de sa mémoire la délicieuse pièce qu’il a intitulée : Dans un pavillon.

» Sa voix un peu grêle, mais pénétrante, rendit sensible, à l’oreille des auditeurs charmés, tout ce que renferment de fraîcheur printanière, de sérénité suave, d’illusions généreuses, ces vers ensoleillés, limpides et doux, qui nous montrent un génie à son aurore, en présence de l’Art qui lui révèle sa mission.