Va, pauvre et les pieds nus, sans crainte des épines,
Glaner dans tous les champs pour les moissons divines ;
Va chanter les vertus et la paix sous le ciel,
Le travail, le repos, l’amour universel,
La foi, la liberté, le soleil et les roses,
Les étoiles, les flots, toutes les belles choses.
Ton cœur sera toujours jeune, je te le dis,
Vis au dedans de toi comme en un paradis ;
Ne t’inquiète pas où ton hymne s’envole,
Laisse au vent du désir s’échapper ta parole ;
Partout où le Seigneur verse le jour et l’air,
Ou sous un joug d’argent ou sous un joug de fer,
La vieille humanité s’égaie ou se lamente.
Elle ira dans le temps de calme ou de tourmente,
Chantant son doux refrain de joie et d’avenir,
Elle ira, tendre et pure, implorer et bénir,
De son plus doux regard, de sa voix la plus douce ;
Et si l’homme insensé la fuit et la repousse,
Elle remontera vers le divin séjour
Où tout n’est qu’harmonie et qu’ineffable amour !…
Ta place est là, mon fils !… Dans tous les cas, une vocation certaine guidait notre poète.
Un écrivain de talent depuis longtemps goûté et apprécié à Bordeaux — un autre ami de la première heure de mon père — M. Hippolyte Minier, faisant appel à ses souvenirs, a retracé dans une page intime (Gironde littéraire du 27 mai 1888) l’impression produite par Charles Monselet à ses débuts :
« … C’était en 1842, vers la fin de l’hiver, M. et Mme Gout-Desmartres, mariés depuis quelques mois à peine, donnaient une soirée littéraire dans leur jolie demeure de la rue Saint-Genès. Le salon de l’auteur des Gerbes de poésie avait été envahi de bonne heure. Vers et prose y étaient également représentés. Tous ceux qui dans le Bordeaux d’alors pratiquaient plus ou moins publiquement le culte des lettres avaient répondu à la gracieuse invitation — sans parler du