Combien de lois ma pensée et mes yeux, se détachant du
Livre, ont voyagé dans le ciel et erré dans ces nuages ! Ce que
j’écoutais si attentivement à travers la parole du professeur,
c’était la voix du feuillage, le chant des oiseaux, la note d’une
cloche d’église, — l’église Saint-Paul on l’église Saint-Éloi.
Tout cela m’armait par cette fenêtre qui a été longtemps pour
moi tout un monde, le monde des rêveries.
» Je me souviendrai éternellement, d’un violon qui m’a lait passer « les heures enchantées, pleines à la fois de charme et d’oppression. — C’était un musicien qui venait deux fois par semaine donner leçon à un élève. La leçon avait lieu dans une petite chambre ouvrant, elle aussi, sur la cour…
» La terrasse occupait également mon imagination. — J’avais entendu dire que la maison et ses dépendances avaient appartenu à une famille noble du dernier siècle. Il n’était donc pas impossible que cette terrasse eut servi de théâtre en plein air à quelque société de ce temps-là…
» C’en était assez pour communiquer la fièvre à mon jeune cerveau ; je repeuplais cette terrasse de personnages en habits de soie, de marquises à éventail, d’abbés à petit manteau, de chevaliers poudrés. Caché derrière un grand vase de fleurs, j’assistais à la représentation d’un proverbe du meilleur faiseur… Et ma version ou mon thème n’avançait guère, on le devine, pendant toutes ces songeries.
» Ô ma fenêtre de pension ! que de bonheur tu as contenu à cette époque ! »
C’est à la pension que la vocation littéraire est venue me trouver, écrit Charles Monselet : c’est de la pension, en effet, que sont datés ses premiers vers ; ajoutons qu’ils étaient écrits de cette écriture merveilleuse dont l’écrivain fut toujours très fier — fierté bien excusable — et qui arracha à Arsène Houssaye cette exclamation : « Dieu, la belle copie ! » lorsque mon père apporta son premier article au journal l’Artiste.