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Il sentait qu’il ne serait pas élu, et il en souffrait. Il rappelait fièrement qu’à vingt ans, c’était à lui que Girardin, au moment de publier dans La Presse les Mémoires d’Outre-Tombe, avait demandé une préface à l’œuvre posthume du grand écrivain. Monselet présentant Chateaubriand aux Lecteurs des deux mondes ! Le futur auteur de la Lorgnette littéraire (ce Sainte-Beuve en globules, un Sainte-Beuve à doses homéopathiques) annonçant le chef-d’œuvre admirable et trop peu connu de l’auteur des Natchez !

Bref il disait :

— Je n’aurais qu’une voix, une seule, je serais heureux. Mon nom resterait sur les registres des séances de l’Académie !

Un académicien la lui promit, cette voix, et la lui donna. C’était notre excellent et charmant confrère Xavier Marmier. Charles Monselet s’en souvint toujours (on le verra en lisant ce livre) et encore aujourd’hui M. Marmier en est très fier. Il a raison.

Une voix ! Une seule ! L’auteur des Oubliés et Dédaignés méritait plus. Il ne sera, du moins, ni un oublié ni un dédaigné. Les renommées vont vite aujourd’hui, plus vite que les morts de la ballade ; mais le nom de Monselet restera deux fois associé à notre histoire littéraire, à celle du siècle passé par ses études, ses portraits, ses recherches originales et érudites, à celle d’aujourd’hui par ses admirations romantiques et sa fantaisie et son humour. Henri Heine le saluerait de la main, tout comme Dorat et Bernis — ce Bernis qui, le menton gras et le sourire aimable, ressemblait un peu à Monselet et qui l’eût volontiers appelé : « Mon cher abbé ! »

Entre Le fauteuil académique et le sopha de Crébillon, à