exclusivement occupé de livres, ayant pour unique souci de parfaire un chapitre ou de mènera bien un feuilleton. Quclqu’uu vous a dit à l’oreille que j’avais encore d’autres occupations et d’autres préoccupations ; que sous le littérateur il y avait un gastronome, et que mon cabinet de travail communiquait directement avec ma cuisine. Voilà ce qu’on vous a dit, n’est-ce pas ?
» Eh bien ! l’on vous a dit la vérité, madame. Je n’en rougis pas, au contraire ; le côté le plus sensible de mon amour-propre en est agréablement chatouillé. Je porte un tendre intérêt aux choses de la nutrition. Sans faire précisément, selon une expression commune, — un dieu de mon ventre — ni même un demi-dieu, je tiens cependant à en faire un personnage. En cela, j’obéis à une vocation incontestable. Dès ma jeunesse, j’ai trouve place en moi pour deux poésies : celle de l’âme et celle des sens ; je n’ai pas voulu chasser l’une au bénéfice de l’autre ; j’ai préféré travailler à leur conciliation, à leur bonne harmonie, et quelquefois j’ai pu croire que j’y avais réussi.
» Certes, je me flatte d’aimer et de comprendre la nature, autant que mes confrères les faiseurs d’églogues. Je l’ai décrite, je l’ai chantée. Ouvrez mes livres, vous y rencontrerez un nombre suffisant de fleurs, d’oiseaux, de haies, d’aubépines, de ruisseaux jaseurs. La rêverie ne m’est point étrangère, la rêverie sur le gazon, éclairé des pâles rayons de la lune ; — mais il me plaît aussi d’arrêter mes regards sur les splendeurs d’une table magnifiquement servie. Je raffole de la promenade en nacelle ; mais, au bout d’une heure, il est rare qu’une furtive idée de friture ne se mêle pas à mes impressions.
» Vous le voyez, madame, je vais au-devant de votre curiosité : je me confesse à vous librement. Oui, je suis tourmenté de l’ambition de laisser un nom invoqué à l’heure des repas. Quelques travaux dirigés dans ce sens, quelques publications encouragées par des hommes spéciaux, ont déjà témoigné de