un catalogue assez minutieux de tous les ouvrages légers du xviiie siècle, quand, à la suite de la préface d’Armance, parut en librairie la bio-bibliographie de Rétif de La Bretonne, qui acheva de le classer parmi les bibliophiles en renom et les lettrés les plus délicats.
« Voici bien la figure la plus étrange qui se soit jamais présentée sur le seuil d’une littérature ! s’écrie l’auteur au début de son livre. Pourtant, n’ayons pas peur. Entrons hardiment dans la vie et dans les œuvres de ce romancier aux bras nus, qui fut la dernière expression littéraire du xviiie siècle.
» Rétif de La Bretonne était inévitable. De même que les folies parfumées du Parc-aux-Cerfs, les scandales de Mme de Pompadour et les joyeux éclats de rire de la grisette qui lui succéda, devaient aboutir à la Révolution ; ainsi les petits romans roses et dorés de Crébillon fils, de Duclos, de La Morlière et de tant d’autres, conduisent par une pente sensible aux gros livres terreux de Rétif de La Bretonne, imprimés avec des têtes de clou.
» Du jour où ce fut le peuple qui se prit à lire, il fallut au peuple des ouvrages de haute saveui Le roman eut ses Père Duchesne, mais ses Père Duchesne de bonne foi. Or, Rétif de La Bretonne, c’est le peuple-auteur. La France savante et lettrée, la France de l’Institut, la France qui n’a pas cessé de porter du linge blanc sous sa carmagnole, cette France-là n’a jamais eu pour lui que surprise ou dédain. Il n’y a que la France ignorante, la France des boutiques et des mansardes, qui ait lu, qui ait acheté et qui ait fait vivre Rétif de La Bretonne et sa littérature ; puis aussi la province et l’étranger, qui repoussent si souvent ce que nous admirons et qui se passionnent plus encore pour ce qui nous répugne. Voilà ceux qui ne lui ont pas ri au nez, qui ne lui ont pas craché au visage, qui ne lui ont pas dit : « Diogène littéraire, rentre dans ta niche ! » S’ils ont eu tort ou raison, c’est ce que nous