un point de vue exccessivement personnel et avec la préoccupation très visible d’échapper aux bruyantes tendances littéraires du moment.
» Stendhal a toujours mis son orgueil, en effet, à vivre en dehors des associations et des partis. De cet isolement continuel, il a gardé un peu de sécheresse et beaucoup d’amertume. Malgré cela, le succès qui l’accueille aujourd’hui est d’autant plus mérité qu’il a été plus tardif : aussi sera-t-il plus durable. Il est heureux que de temps à autre on force de la sorte le public à se tourner vers ces esprits solitaires, vers ces hommes d’inquiétude et d’analyse, qui ont dédaigné son suffrage et malmené leur époque tout entière.
» … Armance est un roman rempli de curiosités, mais laborieux à l’excès : on dirait un coco d’Amérique creusé avec un mauvais couteau. Les habitudes d’une certaine société et les agitations politiques des hauts salons parisiens sonl rendues avec une intelligence très rare, mais qui perd beaucoup de sa portée en s’enfonçant dans la minutie. Stendhal, qui s’efforce parfois de rappeler M. de Saint-Simon, ne s’appuie ni sur des faits assez solides, ni sur des sentiments assez précis. Tout en évitant de coudoyer le romantisme, il ue peut échapper à la triple influence de Goethe, de Senancour et de Benjamin Constant, dont on retrouve chez lui les principaux procédés amalgamés avec de la glace.
» Ce qu’on ne peut contester à Stendhal, c’est un instinct distingué qui ne l’abandonne jamais. On remarquera dans Armance l’insistance prononcée avec laquelle il revient sur les pièces de M. Scribe, qui lui semblent entachées de grossièreté. Une de ses autres qualités, c’est l’éclair soudain dans l’observation.
» Mais ce qui fait la plus grande et la plus réelle supériorité de Stendhal, c’est la science complète de la vie. Plus que beaucoup d’écrivains mieux doués que lui, il a vu, couru, et s’est procuré mille sensations en dehors de la littérature.