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SA VIE, SON ŒUVRE

et je lui promets de lui montrer au retour notre drame fini. — Le soir, je vais voir Turcaret au Théâtre-Français.


Dimanche. — Je fais mes paquets pour Versailles.


Lundi. — J’ai pris la poudre d’escampette, — je suis à Versailles. Me voilà dans la ville splendide, déserte. Là, il faut que je fasse mon drame, un drame en cinq actes, entends-tu ; il faut que définitivement je pose la première assise de ma carrière théâtrale. Je suis arrivé à uue heure. Je me suis découvert une mansarde à quinze sous par jour. J’ai dîné. Je me suis promené en rêvant dans les jardins et puis aussi par la ville. — Enfin, pour finir ma journée, j’ai été voir jouer Mademoiselle de Lafaille. Le théâtre de Versailles est grand, sombre et pas beau. Je vais à des places piteuses, un franc par tête, avec des fantassins et des cavaliers. N’importe. À onze heures, je me couche : Avenue de Sceaux, 2, hôtel du Nord, chambre 13.


Mardi. — À six heures et demie, je me lève. Puis je visite le musée de tableaux et le palais dans son entier. Ah ! mon ami, quel amas de prodigiosités éblouissantes ! J’en suis encore tout émerveillé,


Comme l’eau qu’il secoue aveugle un chien mouillé.


Je vois les portraits de la Pompadour, de Bernis, de tous les personnages de ma pièce, enfin ; et je rentre à ma chambre afin de disposer mon plan, mon scénario — pour que je puisse commencer demain à écrire le premier acte. Chaud encore des impressions flamboyantes de ma visite aux galeries du palais, les idées me viennent abondamment. Je sens la chaleur, la verve, le cœur et l’esprit revenir un peu en moi. Et puis l’air vif, l’isolement. Je me sens heureux, ardent, vivant. — Courage ! — Je dîne et fais ensuite une promenade par les environs qui me tient jusqu’à la nuit.


Mercredi. — Versailles est une ville immense et qui n’en