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périt martyr en 1866. Le jury était présidé par M. Portalis, un honorable magistrat, et composé de MM. Bénard, Franck, Garnier, Gibon et l’abbé Noirot. Taine fut déclaré admissible avec cinq autres concurrents ; mais deux candidats seuls furent définitivement reçus : son ami Suckau, et Aubé, qui était de la promotion de 1847. L’étonnement, je dirais presque le scandale, fut grand. La réputation du jeune philosophe avait franchi les murs de l’École. Tout le monde lui décernait d’avance la première place. On attribua son échec, non à l’insuccès de ses épreuves, mais à une exclusion motivée par ses doctrines. Des légendes se formèrent. Beaucoup de gens crurent et répétèrent que c’était M. Cousin qui présidait le jury et qu’il avait dit de Taine : « Il faut le recevoir premier ou le refuser ; or il serait scandaleux de le recevoir premier. » On rejeta aussi sur son concurrent Aubé la responsabilité de son échec. Après une leçon de Taine sur le Traité de la connaissance de Dieu, de Bossuet, Aubé, chargé d’argumenter contre lui, l’aurait perfidement pressé de dire son avis sur la valeur des preuves classiques de l’existence de Dieu. L’embarras et finalement le silence de Taine auraient entraîné sa condamnation.