Page:Monod - Renan, Taine, Michelet, 1894.djvu/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un pensionnat ecclésiastique de Rethel. Il n’y resta que dix-huit mois. M. J.-B. Taine mourut le 8 septembre 1840, laissant à sa veuve, à ses deux filles et à son fils, une modeste fortune[1]. Il fallait songer à placer le jeune garçon dans un milieu où il pût satisfaire son goût pour l’étude et développer les rares qualités qu’il avait déjà manifestées. Sur les conseils du frère de sa mère, M. Bezançon, notaire à Poissy, qui montra toujours beaucoup de sollicitude pour son neveu, il fut envoyé à Paris, au printemps de 1841, et entra comme interne à l’institution Mathé, dont les élèves suivaient les classes du collège Bourbon. Mais la santé délicate et l’esprit méditatif et indépendant du jeune Taine se trouvèrent également mal de ce régime de l’internat qu’il a qualifié dans une des dernières pages qu’il ait écrites de « régime

  1. On a souvent dit et écrit que Taine dans sa jeunesse avait connu la gêne, sinon la misère. On a été jusqu’à attribuer sa mauvaise santé aux privations de ses années d’étude. Rien de plus inexact. Taine a toujours été délicat ; le travail seul a contribué à altérer sa santé et il n’a jamais senti peser sur lui le fardeau des nécessités matérielles. Même si son indépendance de pensée n’avait pas été garantie par son indépendance de caractère, elle l’eût été par son indépendance de fortune. Sans doute il a regardé comme un devoir de se suffire à lui-même pour ne pas être à charge à sa mère, mais il n’a jamais écrit une ligne, ni donné une leçon par besoin d’argent.