Page:Monod - Renan, Taine, Michelet, 1894.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à lui-même toutes les hypothèses que la science peut permettre encore à l’âme religieuse. Chose curieuse, ce sont trois Bretons, trois fils de cette race celtique sérieuse, curieuse et mystique, qui ont en France représenté tout le mouvement religieux du siècle : Chateaubriand, le réveil du catholicisme par la poésie et l’imagination ; Lamennais, la reconstitution du dogme, puis la révolte de la raison et du cœur contre une église fermée aux idées de liberté et de démocratie ; Renan, le positivisme scientifique uni au regret de la foi perdue et à la vague aspiration vers une foi nouvelle.

Ce qu’on a appelé son dilettantisme et son scepticisme n’est que la conséquence de sa sincérité. Il avait également peur de tromper et d’être dupe, et il ne craignait pas de proposer des hypothèses contradictoires sur des questions où il croyait la certitude impossible.

C’est là ce qu’il faut se rappeler pour comprendre ce qui, dans son œuvre historique, peut au premier abord paraître entaché d’inconsistance et de fantaisie. On l’a accusé de dédaigner la vérité, de tout sacrifier à l’art, de mettre toute la critique historique dans le talent « de solliciter doucement les textes ».