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ménagements et de ce respect, le scandale fut prodigieux. Le clergé sentit très bien que cette forme d’incrédulité qui s’exprimait avec la gravité de la science et l’onction de la piété, était bien plus redoutable que la raillerie voltairienne ; venant d’un élève des écoles ecclésiastiques, le sacrilège à ses yeux était doublé d’une trahison, l’hérésie aggravée d’une apostasie. Le gouvernement impérial, qui avait nommé en 1862 E. Renan professeur de philologie sémitique au Collège de France, eut la faiblesse de le révoquer en 1863, en présence des clameurs que souleva la Vie de Jésus. Il avait eu la naïveté de lui offrir, comme compensation, une place de conservateur à la Bibliothèque nationale.

Renan répondit au ministre, en style biblique : Garde ton argent (Pecunia tua tecum sit) ; et, libre désormais de tout souci matériel, grâce au prodigieux succès de son livre, le « blasphémateur européen », comme l’appelait Pie IX, continua tranquillement son œuvre[1]. Ce ne fut qu’en 1870, quand l’Empire fut

  1. Renan qui voulait faire de son cours un enseignement de pure philosophie, le reprit aussitôt chez lui pour ne pas en priver ses élèves. Il écrit le 25 septembre 1863 : « Je vais faire chez moi le cours que j’aurais fait au collège de France. Mon